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Chanson / Song / Adrienne Rich, traduction de Chantal Ringuet
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Chanson / Song / Adrienne Rich, traduction de Chantal Ringuet

Plonger dans l’épave : Poèmes 1971-1972, éditions du Noroît, 2024

C’est avec une immense joie que je lis ce poème d’Adrienne Rich, sur la proposition de Chantal Ringuet, qui a traduit Plonger dans l’épave, l’un de ses recueils les plus marquants, aux très belles éditions du Noroît.

Merci beaucoup à Chantal, traductrice mais aussi poétesse, et bien d’autres choses. Pour découvrir son travail, c’est par ici.

Elle a également lu des poèmes de sa traduction dans la revue cunni lingus, pour leur livraison spéciale Adrienne Rich. Vous pouvez ainsi écouter et lire d’autres poèmes tirés de Plonger dans l’épave, lire des poèmes de la traduction tout juste parue du recueil Le rêve d’un langage commun , mais aussi quelques extraits d’essais. Tout est là. Et le site de la revue chaudement recommandée, ici.

Par ici également pour écouter le poème lu par Adrienne Rich elle-même et par ici pour d’autres poèmes et textes lus par elle en anglais. Bravo et merci infiniment à l’université de Pennsylvanie de conserver une telle archive et de la rendre accessible.

D’autres poèmes de Plonger dans l’épave dans la traduction seront mis en ligne ici dans les temps qui viennent.

Quelques livres d'Adrienne Rich sont traduits en français, et je vous en recommande la lecture :

Voilà le poème dans sa version originale :

Song

You’re wondering if I’m lonely:
OK then, yes, I’m lonely
as a plane rides lonely and level
on its radio beam, aiming
across the Rockies
for the blue-strung aisles
of an airfield on the ocean.

You want to ask, am I lonely?
Well, of course, lonely
as a woman driving across country
day after day, leaving behind
mile after mile
little towns she might have stopped
and lived and died in, lonely

If I’m lonely
it must be the loneliness
of waking first, of breathing
dawn’s first cold breath on the city
of being the one awake
in a house wrapped in sleep

If I’m lonely
it’s with the rowboat ice-fast on the shore
in the last red light of the year
that knows what it is, that knows it’s neither
ice nor mud nor winter light
but wood, with a gift for burning.

1971

From Diving into the Wreck: Poems 1971-1972

et dans la traduction de Chantal Ringuet

Chanson

Tu te demandes si je suis seule : 
OK alors, oui, je suis seule
comme un avion file en solitaire et s'aligne
sur sa fréquence radio, visant
à travers les Rocheuses
les pistes jalonnées de bleu
d'un aérodrome sur l'océan

Tu veux savoir, suis-je seule ?
Oui, bien sûr, je suis seule
comme une femme conduisant à travers le pays
jour après jour, laissant derrière elle
kilomètre après kilomètre
de petites villes où elle aurait pu s'arrêter
pour vivre et mourir, en solitaire

Si je suis seule
cela doit être la solitude
de me réveiller la première, de respirer
le premier souffle froid de l'aube sur la ville
d'être la seule éveillée
dans une maison enveloppée de sommeil

Si je suis seule
c'est avec la barque gelée sur le rivage
dans la dernière lumière rouge de l'année
qui sait ce que c'est, qui sait que ce n'est pas
la glace, ni la boue, ni la lumière d'hiver
mais le bois, avec un don pour brûler

1971

Quant à pourquoi Adrienne Rich ici : j’ai lu ces poèmes pour la première fois il y a presque vingt ans, et ils sont toujours restés tout près.

Mais ces dernières années, ses poèmes et ses essais sont devenus des arbres auprès desquels je viens reprendre des forces et regarder avec lucidité la violence du monde. C'est une poésie où se retrouver. C’est une poésie où je rencontre les autres femmes, où je me lie, avec quelque chose qui n’est ni de la colère, ni de la culpabilité. Quelque chose où prendre courage, où le monde, si écroulé qu’il soit, continue.

C’est pour ça qu’elle est la première que j’ai lue ici.

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